QUI SUIS-JE ?
Toute la philosophie cartésienne, qui a dominé l’Occident pendant trois siècles, s’est bâtie sur la confusion entre l’être en soi et l’activité de la conscience phénoménale.
Pour paraphraser le célèbre aphorisme de Descartes « Je pense, donc je suis », le « Moi » qui dit « Je » pourrait bien n’être qu’une simple émanation de la pensée. Or cette dernière fonctionne, sur le mode personnel, comme un ordinateur qui établirait des liens entre perceptions, sensations et acquisition de connaissances qui se cumulent dans le temps et nous conduisent à assimiler globalement la perception à la définition de la chose perçue. C’est ce qu’on appelle les identifications.
Ainsi, pour reprendre la vérité première sur laquelle repose la logique cartésienne, il serait plus juste de préciser : « j’identifie, donc je sais, donc je pense que je suis ». Ce qui évite de limiter la portée de ce que nous sommes au seul fonctionnement de l’ego, et circonscrit l’activité de ce dernier à son véritable domaine : la pensée logique acquisitive sur laquelle s’élaborent les identifications personnelles et les images de soi, qui tendent ensuite à se prolonger de toutes les façons possibles sous la forme d’un ego structuré, bien décidé à conserver son hégémonie dans nos choix de vie.
Quand une personne non consciente de son vécu dit « Moi », elle ne fait appel le plus souvent qu’à ces enchaînements automatiques d’identifications qu’elle reconnaît comme vrais et par lesquels elle a tendance à se définir.
Descartes, le maître à identifier la pensée au « moi » semble, en fait, avoir épousé inconditionnellement la thèse aristotélicienne selon laquelle « pour être acceptable en tant que connaissance scientifique, une vérité doit être déduite d’autres vérités »[i].
Ce à quoi Alfred Korzybski, maître à penser de toute une nouvelle génération de philosophes et de psychothérapeutes répond : « si la vérité est fausse, subjective, relative, incomplète… la série de déductions que nous en tirerons sera logiquement aberrante. Mais considérée par beaucoup comme rigoureusement scientifique ».
Il a fallu les abominables massacres religieux et ethniques de la deuxième guerre mondiale pour que certains s’avisent (et le fassent savoir), qu’un nom n’est pas une personne et que, pour reprendre le célèbre aphorisme de Korzybski[ii] : « La carte n’est pas le territoire ».

Cette projection d’un cygne dans l’eau d’un lac représente pour moi la capacité de nous reconnaître sans conflit intérieur dans chacune de nos pensées, nos paroles, nos actes et leurs résultats.
LES REPRESENTATIONS DE SOI DANS LE THEME DE NAISSANCE
Il importe donc de ne pas se tromper sur la nature des identifications et de les considérer pour ce qu’elles sont : un conditionnement de la pensée qui résulte à la fois de tendances innées (que l’on retrouve sous forme d’inscriptions astrales dans le thème natal) et d’un ensemble contextuel – on dit aujourd’hui systémique – d’apprentissages, d’expériences et de conclusions, qui ont présidé globalement à l’élaboration de nos modèles.
Cette logique appliquée à l’astrologie permet de considérer la carte du ciel pour ce qu’elle est : une représentation innée d’un univers personnel, fondée sur une sorte de bibliothèque de multiples identifications et réactions résiduelles, mais qui ne contraint dans ses frontières que les gens qui veulent bien y croire.
Une personne à la naissance est nécessairement marquée par ces tendances latentes organisées dans le thème natal sous la forme des positions des planètes en signes et maisons, et des aspects qui les relient. C’est en quelque sorte « sa façon instinctive d’être » mais après un certain nombre d’années, personne, à part elle-même, ne peut savoir ce qu’elle a vécu à partir de ses tendances innées et surtout si elle y croit encore. Car rien ne nous oblige à demeurer assujettis à nos inscriptions natales et pas davantage à entretenir indéfiniment les mêmes enchaînements réactionnels. Seuls les individus qui sont demeurés dans un stade infantile d’attente de modèles, de pouvoir et de reconnaissance, croient qu’il existe quelque part des vérités avérées qui les obligent à assumer un destin qui ne leur appartient pas.
Pour sa part, un esprit libre considérera qu’il n’a pas à se laisser ballotter d’un choix à son contraire, et jouer sa vie en pour ou contre, au gré de ses réactions, attirances ou répulsions. Lorsqu’il rencontre un conflit, il sait qu’il s’agit toujours d’un combat intérieur entre deux tendances paradoxales et qu’il importe d’en trouver la résolution dans le sens d’un retour à son sentiment d’unité intérieure.
Ce comportement de véritable Adulte (selon la définition de l’analyse transactionnelle) permet de ne pas laisser notre esprit vagabonder au gré des influences astrales et de nous croire démunis face à un monde dans lequel l’ego joue à la fois le rôle d’auteur et d’acteur à part entière. C’est en reconnaissant notre responsabilité dans le « management » de ce « grand personnage »[iii] que nous croyons être que nous avons le plus de chance de donner à notre vie ce « sens » que chacun recherche sans imaginer, le plus souvent, qu’il lui appartient de le découvrir et de le gérer.
[i] Aristote : “Ethique à Nicomaque” – Vers 340 avant J.-C.
[ii] Fondateur des théories de la Sémantique Générale
[iii] Nom donné à l’ego par le Christ dans l’Evangile de Thomas (Editions Metanoïa)